IDA, "UNE DANSE DE CHEFS-D'OEUVRE"
- giorgimarchiori
- 21 oct.
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Dernière mise à jour : 22 oct.

Quel plus grand plaisir peut éprouver une danseuse, mime et docteure en philosophie grecque, que de créer une performance inspirée d’Ida Brun — la célèbre danseuse-mime danoise qui, au début du 19ème siècle, avait enchanté les intellectuels de toute l’Europe par ses prestations ?
Véritable « star » de son époque, Ida Brun fut la muse du sculpteur danois Bertel Thorvaldsen, qui lui dédia un buste aujourd’hui conservé au musée Thorvaldsen de Copenhague.

Mais son talent fascinait bien d’autres artistes de son temps, tels que Johann Wolfgang von Goethe, August Wilhelm Schlegel, Christoph Kniep ou encore Madame de Staël, qui décrivait ainsi son art :
« J’ai déjà dit que la sculpture, en général, a souffert de l’oubli total de l’art de la danse ; le seul phénomène de cet art en Allemagne est Ida Brun, une jeune fille dont la position sociale l’exclut de la vie artistique. Elle a reçu de la nature et de sa mère un talent extraordinaire pour représenter, par de simples gestes, les tableaux les plus émouvants ou les plus belles statues. Sa danse n’est qu’une succession de chefs-d’œuvre éphémères, qu’on voudrait pouvoir fixer à jamais... »

Il est évidemment impossible de reconstituer fidèlement sa danse. Mais on peut s’en inspirer, et, en partant du principe des attitudes, chercher à raconter — par l’union harmonieuse de la danse et de la pantomime — les histoires mythologiques cachées derrière chaque sculpture. Une « sculpture dansante », qui s’anime pour raconter sa propre légende. Ainsi apparaissent Médée, Andromaque, Galatée, Daphné…
Le spectacle
Nous sommes dans l’atelier de Thorvaldsen. On le voit au travail, en train de modeler ses sculptures… jusqu’à ce qu’il façonne une jeune fille dansante.

Elle prend vie, comme dans le mythe de Pygmalion et Galatée… Il danse avec elle — ou peut-être avec ses souvenirs...
Puis, retour en arrière : nous sommes transportés dans un salon de l’époque. Des musiciens jouent, et Thorvaldsen invite Ida à raconter — à sa manière — une histoire.
Il lui tend un châle : aussitôt, elle évoque la légende de la Toison d’or et fait apparaître Médée, héroïne tragique, symbole de passion et de vengeance.

Un peu plus tard, le sculpteur lui montre une pomme. Ida comprend aussitôt le jeu : elle devient Vénus tenant la pomme d’or — celle-là même qui provoqua tant de tragédies humaines, jusqu’à la guerre de Troie.
Et la voilà qui se transforme en Andromaque, nous faisant revivre les terribles conséquences de ce conflit : les adieux déchirants d’Hector à son épouse et à leur enfant, qu’il ne reverra jamais. Hector tombera sous les coups d’Achille, leur fils sera précipité du haut des remparts de Troie, et Andromaque deviendra l’esclave de celui-là même qui a tué son enfant.

Vient ensuite un moment plus doux : Ida choisit de raconter l’un de ses mythes préférés, celui de l’amour « aveugle » et nocturne de Cupidon et Psyché.
La soirée touche à sa fin. Tout en dansant un saltarello, Ida apporte à Thorvaldsen une couronne de laurier, symbole de reconnaissance et d’inspiration. Par ce geste, elle évoque l’origine de cet arbre sacré, consacré au dieu Apollon.

Et la voilà incarnant Daphné, fuyant la passion du dieu avant de se métamorphoser en laurier — un clin d’œil émouvant à la splendide sculpture de Bernini.

Cette performance a eu lieu à Sygehusgrunden, à Holstebro, et a été organisée par Svenning Hoffmann Sørensen. Elle a réuni les remarquables musiciens Fernando Viani (piano), Machiko Ozawa (violon) et Simone Tolomeo (bandonéon et direction musicale).
Avant le spectacle, Margrethe Floryan, historienne de l’art au musée Thorvaldsen de Copenhague, a présenté une conférence et guidé la visite des reliefs du sculpteur.
Une soirée véritablement merveilleuse, où l’art, la musique et la danse se sont unis pour redonner vie à la beauté intemporelle des mythes et des formes sculptées.




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